A teacher training centre in Bamako, Mali. Photo: Bakary Emmanuel Daou © UNESCO

L’éducation en Afrique 50 ans après les indépendances

In our second post for francophone readers, Nicole Bella, policy analyst on the Education for All Global Monitoring Report team, looks at the progress of education in Africa since 17 countries gained their independence in 1960, and the challenges that remain.

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L’année 2010 marque le cinquantenaire des indépendances africaines qui a été commémoré dans plusieurs pays du continent. En 1960, dix-sept pays d’Afrique subsaharienne dont seize en Afrique francophone et le Nigeria accédaient à leur souveraineté. La célébration de cet anniversaire, voire jubilé pour certains, s’est faite parfois en catimini, histoire peut-être d’éviter trop d’introspection. Pour de nombreux observateurs le bilan des cinquante dernières années des indépendances acquises est en demi-teinte, voire calamiteux pour les critiques les plus féroces qui dénoncent la perpétuation des liens de dépendance tels que caractérisés par la françafrique.

Contentons nous de braquer le projecteur sur la situation de l’éducation en Afrique cinquante ans après. Force est de reconnaître que des progrès significatifs ont été réalisés depuis 1960. De luxe dont bénéficiait seule une élite minoritaire au service d’abord de l’administration coloniale et ensuite de celle des pays nouvellement souverains, l’éducation est devenue un bien public plus largement partagé dans les sociétés qui misaient sur le capital humain pour se développer.

Si la décennie 1990 fut marquée par un ralentissement des progrès, conséquence des politiques d’ajustement structurel qui ont caractérisées cette époque, la dynamique de l’éducation pour tous, en particulier après le Forum mondial de l’éducation en 2000 à Dakar, a permis aux gouvernements africains de renouveler leurs engagements à faire de l’éducation une réalité pour tous leurs citoyens. Ceci s’est traduit par une hausse significative de l’accès et de la participation à l’éducation à presque tous les niveaux éducatifs à partir de 1999. Pour ne prendre qu’un exemple, les effectifs d’enfants scolarisés dans le primaire ont augmenté en moyenne de 57% depuis 1999 au niveau de l’ensemble de l’Afrique subsaharienne pour atteindre 128 millions en 2008. Ceci s’est traduit par une hausse spectaculaire du taux net de scolarisation qui est passé de 58% à 76% au cours de la période Les progrès ont été impressionnants dans plusieurs pays tels que le Burkina Faso, le Burundi, Djibouti, l’Ethiopie, la Guinée, Madagascar, le Mali, le Mozambique, le Niger et la République-Unie de Tanzanie dont la plupart partaient de niveaux relativement bas. Ce développement de l’éducation est la conséquence de la mise en œuvre d’un ensemble de politiques incluant la suppression de frais de scolarité, le développement de programmes ambitieux de construction des écoles en particulier en milieu rural et la mise en place de mesures volontaristes ciblées pour réduire les inégalités.

Malgré ces progrès spectaculaires, l’Afrique subsaharienne en particulier demeure à la traîne des autres régions en termes de distance à parcourir pour réaliser l’éducation pour tous ainsi que les objectifs du millénaire (ODM). De toute évidence, l’éducation pour tous ne sera manifestement pas atteinte en 2015 comme fixé. Comme nous l’avons  montré dans le 2010 GMR, des disparités et inégalités persistantes basées sur le sexe, le niveau de richesse, le lieu de résidence, le groupe ethnique et le handicap ralentissent, voire entravent les progrès vers l’EPT et les ODM aux niveaux régional et national. La plupart des pays du continent doivent s’assurer que ceux qui restent exclus et marginalisés soient enfin pris en compte à travers des politiques et des ressources financières plus ciblées.

De manière générale, ni l’EPT ni les ODM ne seront atteints en Afrique sans une approche stratégique plus intégratrice, holistique et inclusive qui tienne compte des liens et de la synergie entre :

  • Tous les objectifs de l’EPT. Les progrès vers les objectifs de l’EPT ont été inégaux. Cependant, l’enseignement primaire universel lui-même ne peut-être atteint sans qu’une attention égale soit accordée : à l’expansion des programmes d’EPPE qui améliorent la santé et la nutrition des enfants, facilite leur développement cognitif et les préparent à l’école ; au développement des programmes d’alphabétisation des adultes étant donné les liens avérés entre l’éducation des parents en particulier des mères et celle de leurs enfants ; à l’amélioration de la qualité de l’éducation en améliorant la rétention et l’achèvement scolaires, en s’attaquant aux problèmes de pénurie des enseignants, d’absence de qualification et de formation de ces derniers.
  • Les différents secteurs et niveaux éducatifs. La plus grande attention accordée en Afrique au développement de l’enseignement primaire est sans doute légitime compte tenu les taux de scolarisation encore faibles à ce niveau dans de nombreux pays du continent. Pourtant, les progrès vers l’enseignement primaire universel accroissent la pression sur les niveaux supérieurs de l’éducation, créant des demandes légitimes pour l’enseignement post-primaire qui doivent être satisfaits. Dans un monde de plus en plus basé sur la connaissance, on ne saurait attendre que l’enseignement primaire universel soit réalisé avant de songer à développer les autres niveaux d’enseignement. Non seulement le développement du post-primaire est un formidable levier pour atteindre l’enseignement primaire universel, mais il n’y a pas d’exemple de pays dans le monde qui se soit développé économiquement et socialement en misant sur le seul enseignement primaire malgré son retour sur investissement. Fort heureusement, de nombreux pays ainsi que l’Union Africaine, à travers sa Seconde Décennie de l’éducation, ont décidé de relever le défi en fixant des objectifs politiques ambitieux, considérant l’enseignement de base universel non plus comme une perspective à long terme mais un objectif réalisable.
  • L’éducation et les autres secteurs, en particulier économique, social et culturel. Compte tenu l’interdépendance entre l’éducation et les autres sphères de la société, toute planification et politique éducative se doit d’être pensée dans un cadre et contexte de développement plus large. Renforcer les liens entre la planification de l’éducation, les stratégies de réduction de la pauvreté et d’autres instruments de développement larges est un impératif pour tous les pays d’Afrique. Pour que l’EPT devienne une réalité, l’éducation devrait être intégrée dans des stratégies plus larges de réduction de la pauvreté et des inégalités. Plus important, les politiques éducatives doivent être soutenues par des ressources financières et humaines suffisantes qui sont l’ultime indication de l’engagement politique réel des pays pour l’EPT et les ODM. C’est ce message positif qu’il est important de véhiculer car l’Afrique cinquante ans après les indépendances demeure à la croisée des chemins et doit relever les défis nombreux qui continuent à se poser à elle. Ceci passe forcément par la reconnaissance du droit à l’éducation pour tous, en particulier pour ceux encore trop nombreux pour lequel il reste refusé.
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8 comments

  1. Merci. Vous avez raison à dire que l’enseignement primaire n’atteindra pas les objectifs de l’EPT. Or, vous n’avez rien dit sur la question de la langue d’enseignement, qui fait aussi obstacle lorsque les petits enfants sont obligés d’apprendre dans une langue qu’ils n’entendent qu’à l’école. Il faut réfléchir sur ce point aussi. Effectivement les questions de financement y entrent encore aussi !

  2. Vous faites bien de rappeler la question de la langue d’instruction et le rôle clé qu’elle joue dans l’accès à l’éducation et l’amélioration de la qualité de cette dernière, toutes choses qui sont au centre de l’objectif l’éducation pour tous et de l’atteinte de ce dernier. Le droit à l’éducation c’est également de reconnaître que les enfants tout comme les adultes, dans le cadre des programmes d’alphabétisation, doivent pouvoir recevoir l’éducation dans la langue de leur vécu, celle qu’ils maîtrisent et comprennent le mieux. En effet, ce n’est plus un secret pour (presque) personne que l’apprentissage est plus facile et meilleur dans la langue que l’on parle à la maison fut-elle la langue maternelle ou non. Pour autant, il ne faudrait pas se voiler la face. Le choix de la langue d’instruction est loin d’être chose évidente et aisée. Sa mise en application suppose une bonne préparation en termes de formation des enseignants et de définition adéquate des programmes. Cette mise en application suppose également l’établissement des passerelles visant à introduire progressivement la langue ou les langues officielles permettant ainsi une ouverture des apprenants au monde qui les entoure et de mieux s’y insérer et intégrer. Ce souci, qu’il faut respecter, est souvent exprimé par les apprenants eux-mêmes ou leurs parents car c’est pour eux le gage de perspectives accrues.

  3. Dans le cadre de mon diplôme de fin d’études (Master 2), je me penche sur une problématique liée à l’éducation aux médias: rapport médias-éducation. Ce travail de recherche a pour but de promouvoir la radio comme un moyen pédagogique et la radio comme un moyen d’expression citoyenne, notamment en Afrique. De mon point de vue, les gouvernements doivent accélérer leurs politiques en matière d’éducation en se servant de ce média accessible à tous et dans lequel les populations africaines se reconnaissent. Car utiliser la radio dans un contexte éducatif, reviendrait aussi à changer le rapport qu’ont les populations de ce média. Les enseignants l’adopteront et pourront acquérir de nouvelles compétences, les élèves découvriront de nouveaux moyens d’apprentissage, les parents d’élèves s’y mettront aussi et suivront le processus d’apprentissage de leurs enfants, surtout dans l’apprentissage des langues nationales par exemples et même les autres langues. elle pourrait aussi emmener les enfants à avoir un esprit critique du contenu des médias et à les préparer à la citoyenneté. Ce dernier point est surtout important, quand on sait qu’ il existe encore des médias exclusivement dédiés au gouvernement en place. cette éducation à la citoyenneté pourrait aussi faciliter l’instauration de la démocratie, le respect des constitutions et surtout pourrait apporter une certaine cohésion sociale. Bref, les avantages sont multiples. je pense que ce média pourrait contribuer à aider les États à atteindre leurs objectifs en matière d’éducation et à améliorer la qualité de l’enseignement.
    Kadiatou

  4. Dans le cadre d’une étude historique et sociologique sur l’enseignement (surtout du primaire, une étape importante), que je mène, j’essaie de démontrer comment l’école d’origine occidentale s’est construite en déphasage avec la société à laquelle elle a pourtant un impact. Et ce même après l’indépendance des pays africains. C’est un fait indéniable que l’histoire marque une institution. Du début de sa création jusqu’à la fin de la période coloniale, les acteurs sociaux ont été exclus. Les parents n’avaient pas la voix au chapitre, ce qui a transformé l’école en une caisse, qui enfermait les enfants durant un certain nombre d’heures. Ce sentiment de caisse est renforcé par l’absence d’un débat politique et sociale sur la question de l’école et le fait que les langes vernaculaires ont été exclues dans la majorité des pays africains, sauf le cas des pays comme le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie et l’Erythrée (indépendante de l’Ethiopie depuis 1993), qui ont choisi des langes vernaculaires dans les écoles primaires. L’expérience érythréenne est encore plus marquant, parce que dans chaque région la langue de l’école enseignée en primaire est celle de la région et en secondaire la langue de la région voisine. Certains verront le goût élevé de cette expérience, mais il est préférable de construire un système national dans lequel tous les groupes se retrouvent et qui favorisent l’émergence d’une unité. Bien sûr il faut voir comment les matières, et surtout l’histoire, sont enseignées. Sans s’enfermer dans une histoire nationaliste, rejetant le monde dans lequel vivent les populations, se donner la capacité d’organiser les programmes de l’école n’a pas de prix.
    En République de Djibouti, la situation que traverse le secteur de l’éducation est catastrophique. Le gouvernement autoritaire dénie tout droit aux enseignantes/enseignants, durant des mois, elles/ils ne perçoivent pas leurs salaires alors que le pays ne se trouve pas dans une grave crise socio-économique. Comme dans tous les domaines, la motivation est un élément important. Or comment les motiver si elles/ils ne perçoivent pas l’unique ressource qui leur permet d’exister.
    Ce que les pays africains doivent luttent, c’est la dictature des institutions internationales ou de l’axe du mal comme écrivait avec raison l’ancien directeur du monde diplomatique, Ignacio Ramonet; par axe du mal il fait référence à l’OMC, le FMI et la Banque mondiale. Surtout la politiques des deux dernières est néfaste pour l’enseignement dans les pays africains, parce qu’elles s’opposent à tout développement de l’éducation en mettant en avant la dette du pays. Or les jeunes générations supportent une dette et des intérêts injustes, qui les condamnent à jamais dans leur bien-être économique et social.

  5. je suis d accord avec les idees,car l afrique se trouve dans de problemes a propros de l education des enfants compte tenu de la langue d enseignement,des manuels utilises ainsi que des programmes

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