Seulement un quart de l’aide française à l’éducation est dépensée pour les systèmes éducatifs des pays en voie de développement.

Où va l’aide française à l’éducation? À la France, en grande partie

Par Elise Legault, chargée de recherche, Rapport mondial de suivi sur l’Éducation pour tous

L’aide internationale devrait être destinée aux pays étrangers. Pourtant il existe plusieurs zones grises quant à ce qui peut être considéré comme de l’aide, et quels pays peuvent être classés comme récipiendaires. Par exemple, un coup d’œil aux données de l’aide à l’éducation suggère que la France est un très bon élève: le plus important donateur bilatéral d’aide à l’éducation, déboursant $1.9 milliards en 2009 (l’année la plus récente pour laquelle des données sont disponibles). Toutefois, seulement le quart de cette somme se rend aux pays en voie de développement. Le reste ne quitte pas les frontières de la France, ou bénéficie directement à des citoyens français.

De telles pratiques devraient être scrutées ce mercredi à Paris lors d’une discussion sur l’aide française où sera présente Melinda Gates, co-présidente de la Fondation Bill et Melinda Gates. Le panel aura lieu à l’École des hautes études en sciences sociales et a été organisé par l’organisation non-gouvernementale ONE, en collaboration avec le site web Huffington Post et l’Institut du développement durable et des relations internationales.

Au Rapport mondial de suivi sur l’Éducation pour tous, nous notons depuis plusieurs années que la majorité de l’aide à l’éducation postsecondaire venant de la France, de l’Allemagne et d’autres plus petits donateurs comme l’Autriche et le Portugal va aux « coûts imputés des étudiants étrangers ». Ce sont les dépenses encourues quand des étudiants venant de pays en voie de développement étudient dans des établissements de pays donateurs. Comme le montre la figure ici, en 2009 la moitié de l’aide française à l’éducation a de cette façon été dirigée vers des institutions françaises d’enseignement supérieur.

De plus, une bonne partie de la moitié restante est envoyée à deux « collectivités d’outre-mer » françaises, un statut particulier entre le département d’outre-mer (donc faisant partie officiellement de la France) et un territoire indépendant. L’île de Mayotte dans l’océan Indien est devenue un département français en 2011, et dans les années précédant ce changement de statut, la France a investi des millions dans son système éducatif.

Cependant, à partir de 2011, le soutien à Mayotte ne sera plus comptabilisé comme de l’aide. Le territoire a été retiré de la liste de récipiendaires établie par le Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE, à la suite de sa transformation en département. Puisque Mayotte a reçu 18% de toute l’aide française à l’éducation en 2009, ce changement pourrait entraîner une baisse importante en 2011, à moins que ces sommes soient redirigées ailleurs. Wallis et Futuna dans le Pacifique-sud est toujours une collectivité d’outre-mer, et a bénéficié de 4% de l’aide française à l’éducation en 2009, l’équivalent de $4,000 pour chaque habitant de l’île.

Qu’en est-il de l’aide à l’éducation secondaire? Encore une fois, l’aide française bénéficie surtout à ses propres citoyens. Environ $83 million—62% de l’aide à l’éducation secondaire qui ne va pas déjà aux collectivités d’outre-mer— est allée à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) en 2009, un réseau d’écoles pour les enfants français vivants à l’étranger. Difficile de comprendre pourquoi ces fonds sont considérés comme de l’aide au développement.

Que reste-t-il pour les systèmes éducatifs des pays en voie de développement? La France a tout de même dépensé $440 million pour les soutenir en 2009, donc même en considérant les nombreux items douteux inclus dans les chiffres de l’aide, elle reste un donateur important pour l’éducation. En laissant de côté ces items, la France passerait de premier à sixième plus important donateur pour le secteur. Aussi, on ne parle pas ici de données faussées, puisque que les règles du CAD sont respectées. Il est toutefois crucial que les ressources d’aide soient utilisées pour soutenir l’éducation dans les pays le plus dans le besoin. 67 million d’enfants dans le monde n’ont toujours pas accès à l’école primaire, et les montants d’aide à l’éducation sont vastement insuffisants pour leur donner la possibilité d’apprendre. De plus, certains donateurs clés diminuent leur support, comme discuté dans un récent document de référence publié par l’équipe du Rapport.

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