Trois priorités pour que les pays puissent atteindre leurs points de référence en matière d’éducation de la petite enfance

Par Manos Antoninis, Directeur du Rapport mondial de suivi sur l’éducation, et Silvia Montoya, Directrice, ISU

Au niveau mondial, de plus en plus d’enfants âgés de 5 ans suivent un apprentissage organisé. Les pays ont réussi à améliorer les taux de fréquentation de 0,6 point de pourcentage en moyenne par an, passant de 65% en 2002 à 75% en 2020. Plus de sept pays sur dix ont établi des points de référence pour l’ODD 4 dans les domaines où ils pensent pouvoir progresser d’ici 2025 et 2030 : les valeurs fixées pour tous les indicateurs de référence peuvent être consultées sur l’Observatoire mondial de l’éducation (GEO). S’ils atteignent leurs objectifs nationaux, les taux de participation à l’éducation de la petite enfance atteindront 95% d’ici 2030 au niveau mondial.

C’est beaucoup plus rapide que ce à quoi on aurait pu s’attendre en se fondant sur les tendances passées. S’ils parviennent à s’améliorer au même rythme que le quart des pays qui ont le plus progressé historiquement, ils n’atteindront que 83%.  Est-ce que les pays peuvent atteindre leurs objectifs ambitieux en matière d’éducation de la petite enfance ? Notre nouveau rapport, présenté à l’occasion de la Journée internationale de l’éducation, s’est penché sur cette question.

Dans le cadre du processus national d’établissement des points de référence de l’ODD 4, chaque pays définit ses propres objectifs, en tenant compte de son contexte spécifique, de son point de départ propre et de son rythme de progression. Il s’agit d’un changement important par rapport à l’hypothèse selon laquelle chaque pays pouvait atteindre le même objectif, ce qui était irréaliste et injuste pour nombre d’entre eux. Notre nouveau rapport évalue aujourd’hui les progrès réalisés par les pays par rapport à leurs propres points de référence.

Au niveau mondial, nous avons constaté que, parmi les pays qui ont fixé des points de référence, à peine un sur trois est en passe de les atteindre. Il est plus fréquent que les pays à revenu élevé enregistrent des progrès rapides par rapport à leurs points de référence pour 2025 et/ou qu’ils atteignent un taux d’au moins 95%. Néanmoins, quatorze pays à revenu faible ou intermédiaire inférieur sont en passe d’atteindre les points de référence qu’ils ont établi : le Burkina Faso, le Burundi, le Bhoutan, le Cambodge, la Côte d’Ivoire, le Ghana, la Guinée, l’Inde, le Kirghizstan, la République de Moldavie, le Rwanda, la Sierra Leone, le Vanuatu et le Vietnam.

Ces résultats donnent matière à réflexion aux pays qui sont en train d’établie leur programme en la matière. Il faut clairement qu’ils trouvent le bon équilibre entre un objectif trop ambitieux et donc inatteignable, et un objectif réalisable, qui incite les gouvernements à se mobiliser pour l’atteindre. Les objectifs ambitieux peuvent être politiquement avantageux dans la mesure où ils permettent de démontrer la volonté des pouvoirs publics, mais ils comportent un risque accru pour la réputation du pays à long terme et compromettent également la capacité des points de référence à être utilisés comme un mécanisme de responsabilisation fiable.

Taux de progression des pays par rapport à leurs points de référence pour 2025 en matière de taux de participation à l’apprentissage organisé un an avant le primaire

Comment trois politiques contribuent-elles à relever les niveaux et à accélérer les progrès en matière de participation à la scolarité des jeunes enfants ?

Les pays doivent légiférer en faveur d’un enseignement gratuit et obligatoire. En 2020, la législation de 91 pays sur 188 ne prévoyait aucune année d’enseignement préprimaire gratuit et obligatoire. Si, à l’heure actuelle, seul un petit nombre d’entre eux disposent d’un cadre législatif sur l’enseignement obligatoire, celui-ci augmente au fil du temps, et plus particulièrement depuis 2010. Il existe bien évidemment des disparités considérables d’une région à l’autre et d’un groupe de revenus à l’autre. Près de 10% des textes de loi des pays à revenu intermédiaire supérieur et 5% pour les pays à revenu élevé prévoient 3 ans d’enseignement obligatoire. Dans les pays à faible revenu, en revanche, moins de 5% requièrent une obligation d’un an.

De nombreux pays, notamment en Afrique et en Asie, n’ont pas de lois contraignantes mais disposent néanmoins de points de référence. Pourtant, dans les cas où il existe une législation contraignante, les pays affichent des niveaux de participation et des points de référence plus élevés. Parmi les pays à revenu intermédiaire inférieur, par exemple, où des lois sur l’éducation pré-primaire obligatoire sont en vigueur, les points de référence se situent en moyenne autour de 97%, contre 84% pour les pays où ce n’est pas le cas.

Les pays sont de plus en plus nombreux à demander que l’éducation de la petite enfance soit obligatoire.

Au vu de la part importante des prestataires privés dans l’enseignement pré-primaire, les gouvernements doivent les encadrer pour pouvoir être garants de la qualité et de l’équité. Or, comme le révèlent les profils PEER nationaux du Rapport GEM sur les acteurs non étatiques, 97% des pays soumettent la certification, l’homologation et les modalités d’établissement des prestataires privés dans l’enseignement pré-primaire à un cadre réglementaire, là où seuls 26% des pays apportent un appui à certaines catégories de populations vulnérables pour subventionner les frais de scolarité, et seuls 15% interdisent aux prestataires non-étatiques de mener des activités à but lucratif. Dans les pays où les frais de scolarité sont subventionnés pour certains groupes de population, le pourcentage d’enfants qui suivent un apprentissage structuré un an avant l’entrée à l’école primaire est plus élevé de 13 points de pourcentage, et dans les pays où les frais de scolarité sont réglementés, la participation est plus élevée de 7 points de pourcentage.

Enfin le fait d’augmenter les dépenses consacrées à l’enseignement pré-primaire public permet d’y augmenter le nombre d’inscrits. Dans les 80 pays disposant de données en 2018-20, la part du PIB consacrée à l’enseignement préprimaire était de 0,43%. Quatre pays ont dépensé plus de 1% du PIB : la Biélorussie, l’Équateur, la République de Moldavie et la Suède. Toutefois, en multipliant par deux les dépenses – de 0.25 à 0.50 du PIB – on triple les taux de participation, et cela constitue une avancée incontestable pour les progrès dans ce domaine.

Le processus d’établissement de points de référence nationaux pour l’ODD 4 a été conçu comme un outil permettant de renforcer la responsabilité. Mais ce n’est pas là la seule fonction à considérer. Il s’agit plutôt de favoriser les discussions sur les politiques qui permettent aux pays de réaliser leurs aspirations nationales en matière d’éducation par le biais d’un dialogue entre pairs. Ce rapport est le premier d’une série annuelle qui présentera les informations les plus récentes sur les valeurs de référence nationales pour l’ODD 4 et sur les progrès réalisés en ce sens, en utilisant les données les plus à jour.

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